Quand il décide de se lancer dans l’aventure de l’entrepreneuriat, un des gros questionnements de l’indépendant concerne la fixation de ses tarifs. Pour beaucoup, ce point est une épreuve ! Avec beaucoup de tergiversations et au final régulièrement un mauvais départ. Voici nos conseils pour fixer vos tarifs en tant que freelance.
« Je démarre, je ne peux pas demander beaucoup car on ne me connait pas encore, je dois faire mes preuves ! » « Si je veux gagner des clients, je n’ai pas d’autre choix que d’avoir une politique de prix plus bas que mes concurrents. » « Je préfère démarrer petit, à mon aise, voir venir et quand j’aurai assez de clients je reverrai ma tarification à la hausse. » … Cela vous parle-t-il ?
Beaucoup de croyances limitantes et surtout 5 cailloux dans la chaussure avant même d’avoir démarré.
Pourquoi?
Parce qu’une politique de bas prix constitue une grande prise de risque pour la viabilité financière de l’activité en perdant un chiffre d’affaires potentiel voire même en lui faisant perdre de l’argent. surtout si le freelance est seul. Parce qu’une politique de bas prix peut être totalement contreproductive en limitant la confiance des clients envers les services et produits si elle n’est pas pleinement assumée et communiquée (comme c’est le cas chez Lidl par exemple).
Je m'explique
1. Qualitativement
Se comparer aux moins chers … est-ce une bonne idée ? La croyance populaire veut que plus c’est bon marché, moins c’est qualitativement bon, c’est comme ça. Même si le produit ou le service est très bon, il ne va pas attirer les clients que l’entrepreneur souhaite attirer.
Tout simplement parce qu’en se positionnant dans la catégorie des moins chers, il envoie directement à l’inconscient de sa cible le message d’une qualité basique – voire médiocre – selon les standards de la cible et en tout cas le message que chez un tel c’est « pas cher ». Ok, pas de souci car tous les clients n’ont pas le même pouvoir d’achat et vouloir servir une catégorie de clients qui a peu de moyens est un positionnement qui se vaut autant qu’une autre, à condition qu’il soit assumé.
Mais il y a un MAIS ! Il y en a même plusieurs ! L’entrepreneur qui démarre, passionné par son projet veut souvent offrir le meilleur de lui-même à son futur client pour se faire connaitre, faire la différence, créer le buzz, il donne tout et sans limite… Mais ce faisant, il crée une confusion dans l’esprit de sa cible car il n’aligne pas son prix sur les autres composantes de sa proposition de valeur (= l’ensemble des éléments de la solution qu’il propose pour résoudre un problème, répondre à un manque ou à un besoin). Il perd alors sa crédibilité avec son effet prix grande surface/bas prix et service/produit d’une épicerie fine : mauvaise stratégie ! Son produit ou son service ne trouvera une demande qu’auprès d’un nombre limité de clients qui n’ont comme élément de décision et de comparaison que le prix. Et sa vulnérabilité augmentera.
2. Quantité
Quand on démarre avec une politique de bas prix, il faut compenser par une politique de volume. Le volume signifie souvent qu’une plus grande partie de votre vie est consacrée à la production et au service. Cette notion de temps consacré à son activité est fondamentale car nombre d’entrepreneurs travaillent beaucoup trop pour compenser des prix trop bas et gagnent à peine de quoi joindre les deux bouts…
Avec une politique de prix bas, vous serez épuisé, à produire ou à fournir des services sans compter votre temps. Il en vient alors à oublier toutes les tâches stratégiques qui sont essentielles à sa gestion : facturer (oublier de facturer arrive plus souvent qu’on ne le pense chez les petits indépendants), suivre le bon paiement des factures, prospecter, communiquer.
Il devient plombier de son activité tant son affaire prend l’eau… Il perd en qualité de vie familiale et sociale si tant est qu’il en ait encore une, génère en continu du stress et de l’anxiété qui vont entrainer une détérioration de son état de santé.… Son focus s’étiole, il devient de moins en moins vigilant, il commet des erreurs et la spirale négative s’emballe. Au secours ! Mais ce n’est pas fini…
3. Commercialement
Quand on démarre avec des prix bas avec l’idée de revoir ses prix à la hausse dès que possible, le « dès que possible » n’arrive jamais ou de manière beaucoup trop lente. Parce qu’adapter à la hausse des prix fixés trop bas au départ pour les mettre à un niveau plus « correct », plus en phase avec sa proposition de valeur, c’est risquer de perdre sa clientèle actuelle facilement acquise grâce aux prix bas. Cela signifie alors qu’il faille soit augmenter ses prix d’un montant presqu’imperceptible pour le client soit de se réinventer. redéfinir son positionnement, améliorer ou modifier sa proposition de valeur pour offrir un nouveau bien ou service à un prix plus juste. C’est donc aussi devoir prospecter une nouvelle clientèle, éventuellement aller vers un nouveau marché. C’est donc aussi quelques fois repartir de zéro.
Que faire alors dans le contexte économique qui est le nôtre où l’inflation annuelle sur l’année 2022 a atteint près de 10% ! Devoir réagir face à l’augmentation des coûts par une augmentation des prix est une question de survie. Comment faire quand on part de prix aussi bas ? Augmenter encore ses volumes en travaillant encore plus pour garder ses clients en espérant en trouver d’autres en cours de route ou augmenter ses prix au risque d’en perdre … pour se retrouver au même point finalement. C’est un peu comme choisir entre la peste et le choléra. Mauvais calcul !
4. Financièrement
Trois règles toutes simples pour comprendre :
- Prix de vente = prix de revient + marge
(où le prix de revient = ensemble des coûts de l’activité sur une année / volumes à écouler sur cette année) - Chiffre d’affaires = quantités vendues x prix de vente
(Chiffre d’affaires doit être > aux frais professionnels (revenu de l’entrepreneur compris) de l’activité pour que l’activité soit au moins viable) - Chiffre d’affaires = total des frais professionnels + marge
Et la marge dans tout ça ? Et bien lorsqu’on a fixé son (ses) prix de vente en se basant uniquement sur les prix les plus bas, la marge n’a tout simplement pas été prévue parce qu’elle n’a pas fait partie de la réflexion de départ. Quand on a fixé son prix de vente sans dresser un inventaire précis de ses coûts, ce qui arrive très régulièrement, on découvre trop tard que le prix de vente est finalement inférieur au prix de revient (coût du produit ou du service à l’unité).
Pas de bras, pas de chocolat, pardon ! Pas de marge, pas de sécurité en cas de pépin (l’outil de travail qui casse et qu’il faut remplacer par exemple), en cas de hausse des coûts (comme nous le vivons actuellement), pas de constitution d’une réserve pour investir… donc pour croître, pour améliorer son revenu personnel. On avance les yeux fermés sur une corde raide, qui finit dans un mur.
5. Marketing
Enfin, en ce qui concerne le marketing, pour terminer le parcours d’obstacles de la politique de prix bas. Pas de marge, pas de promotion ! Logique, si le prix de vente = prix de revient, vendre à un prix encore plus bas c’est accepter de faire une perte, consciemment ! Autant ne rien vendre alors !
Avec des prix trop bas d’entrée de jeu, comment mener une politique commerciale dynamique ? La réponse va de soi, on ne peut pas.
Soyez conscient de vos finances
Tout ceci ne fait pas vraiment rêver et pourtant, c’est le parcours du combattant qu’empruntent nombre de freelances qui se lancent la fleur au fusil avec la naïveté et l’enthousiasme débordant d’un.e jeune premier.e. On ne les blâme pas mais mieux vaut éviter de passer par ce chemin de croix, non ?
Se lancer en tant que freelance est une aventure fantastique, riche en expériences diverses et variées, en leçons aussi, mais elle nécessite d’avoir un minimum de réflexes financiers, une conscience financière, même si on exerce son art dans le domaine des relations humaines, des soins de santé, de la culture, dans le social. Parce que si on a décidé de se lancer dans l’aventure, c’est qu’on a envie de construire une affaire pérenne qui va également nous permettre d’en vivre, décemment. Il faut donc avoir une démarche rentable !
Je ne dis pas qu’un master en finances ou en sciences économiques soit indispensable avant de se lancer, pas plus que je ne fais l’apologie des prix élevés. Il y a une grande différence entre d’une part un prix tellement bas qu’il laisse à peine à son indépendant la possibilité de vivre décemment et d’autre part le prix exorbitant de celui qui tente de « racketter » ses clients grâce à un beau manque d’éthique et se paie une vie de rêve avec ses bénéfices plantureux (souvent illusoires)…. Entre ces deux extrêmes il y a .. de la marge et c’est dans ces eaux-là qu’il faut naviguer !
Mais alors c’est quoi un prix juste ?
Un produit ou un service ne peut se mesurer à ses concurrents sur le seul terrain du prix. Car le prix ne fait pas tout. Il n’est, de même que le produit ou le service, qu’une des composantes de la proposition de valeur (pour rappel = la solution que vous avez développée pour répondre à une douleur, un problème, un besoin précis d’une cible bien identifiée).
Quand se forme plus clairement l’idée de ce qu’on souhaite entreprendre, il est indispensable de faire preuve de curiosité et d’esprit d’analyse pour décortiquer, inventorier ce qui existe sur le marché, ce qui est offert, à qui, pourquoi, ce qui manque, à quel prix, avec quels avantages, quels services, quelles limites. Cette étude de marché permettra de déterminer la place que l’on souhaite occuper sur le grand échiquier du marché. Et par facilité, certains qui auront réalisé cette étape préfèreront opter pour le prix moyen, celui qui est affiché par la plupart des acteurs du marché et joueront par la communication sur d’autres éléments différenciants grâce à un bon marketing.
Ensuite, il faudra mettre en perspective sa structure de coûts et ses capacités maximales mais réalistes de prestation / de production pour calculer son prix de revient.
Et une fois le prix de revient calculé, on ajoutera la marge unitaire pour formuler son prix de vente et ainsi atteindre son positionnement de prix. Car c’est la marge qui permettra d’arriver au prix de vente qui correspond au positionnement choisi.
La démarche de calcul des prix est rapidement synthétisée ici car ce n’est pas l’objet de cet article. Mais cette étape cruciale prend du temps et nécessite de travailler selon plusieurs hypothèses avant de pouvoir choisir son positionnement et d’afficher son prix de vente défini de manière réfléchie.
C’est sans doute pour cela que cette étape est souvent négligée et que beaucoup préfèrent choisir la solution a priori de facilité .. le prix bas. Mais à la lueur des 5 obstacles présentés ici, vous aurez compris que s’il s’agit d’une stratégie à court terme très rapide pour se lancer sans traîner. Mais cette stratégie aura à moyen ou long terme des retombées pour le moins négatives voir destructrices et mettra l’activité et son entrepreneur en danger.
Cet article a été écrit par Laetitia Veys, Business & Life Coach chez BizzUp. Si vous voulez plus de conseils sur la façon dont fixer vos tarifs, contactez-nous pour être mis en relation avec Laetitia.